Search

Charles-Henri Tachon, élégant combattant - Moniteur

architectaia.blogspot.com

Portrait -

En vingt ans, l'architecte lauréat de l'Equerre d'argent 2019 a imposé sa marque. Avec force.

Et bienveillance.

On avait laissé Charles-Henri Tachon à l'angle de la rue du Nord, début 2011. Dans ce quartier du XVIIIe arrondissement de Paris en cours de régénération, l'architecte venait de livrer là, pour le compte de la Siemp, un immeuble mêlant habitat social et ateliers d'artistes (lire p. 49) . La réalisation, remarquée pour son esthétique nette autant que pour le soin porté à l'organisation des logements, avait récolté une nomination au prix de l'Equerre d'argent. On l'a revu en fin d'année dernière et il avait cette fois, bien en mains, le trophée décerné par « Le Moniteur » et « AMC ». Pour le jury, la résidence Julia-Bartet de béton bleu, construite pour la RIVP dans le XIVe arrondissement, devait son titre de meilleur bâtiment 2019 autant à… l'esthétique saisissante de son architecture qu'à la prévenance et la rigueur accordées à ce bâtiment également à vocation sociale.

D'un immeuble à l'autre, l'architecte a tenu sa ligne exigeante, tendue entre le dessin épuré, sobre mais certainement pas neutre, et le souci de proposer le meilleur possible aux usagers. La période écoulée a vu sortir d'autres réalisations relevant de la même exemplarité. Pour toutes, il a cherché à tirer le meilleur parti de ce rapport qui le fascine, entre la structure et l'espace, entre ce qui soulève ses bâtiments et les volumes de vie qu'ils offrent. Du travail de son agence, créée en 1999, on retient des édifices qui économisent le second œuvre pour révéler des ossatures méticuleusement dressées ; beaucoup de logements agencés de façon à paraître plus vastes qu'ils ne sont réellement. « Le dessin du plan peut permettre de donner cette sensation, c'est complètement magique », note Charles-Henri Tachon.

Double ancrage. A cette collection d'œuvres très abouties viennent s'ajouter des opérations plus modestes, comme la création d'un petit collectif fait de « bâtiments pas plus gros que des maisons de village » en Bourgogne. Car autre chose n'a pas changé dans la pratique de l'architecte : son double ancrage. Il vit à Paris, et l'agence qui compte une douzaine de personnes est toujours installée dans le même atelier de la rue Bisson (XXe).

Le plateau, assez frugal, qu'il partage depuis les commencements avec ses confrères, et surtout amis, de Lemérou, est situé dans un bâtiment un peu moche, au milieu d'immeubles où les architectes pullulent. Mais Charles-Henri Tachon, né le 22 décembre 1972 à Dijon (Côte-d'Or), est aussi implanté rue de Champ-Ladoit, à Mercurey (Saône-et-Loire). L'adresse est celle de ses parents, pas du tout architectes. « Mon père était assureur, raconte-t-il. Et ma mère, au foyer, a toujours eu beaucoup d'occupations associatives. » Désormais, elle est seconde adjointe au maire de la petite commune.

A l'écouter, l'architecte, toujours inscrit à l'Ordre de sa région natale, tient sa conception de l'espace de Mercurey, de ses six hameaux et de ses paysages zébrés de vignes. Et c'est assurément là qu'il a forgé sa conviction que « le projet est avant tout une réaction au site » et que sa responsabilité de bâtisseur force à ne se laisser aller ni à la négligence, ni à la banalité. Très tôt il a pensé que, « dans des villages comme celui-là, l'enjeu est plus sensible, l'impact bien plus grand que quand on conçoit un plot de plus dans une ZAC. Alors, parfois, il faut savoir faire profil bas ». Tout ne peut pas être aussi bleu et ambitieux que Julia-Bartet.

Batailles choisies. Stéphane Rouault, le « Rou » de Lemérou, assure pourtant que « même dans ses projets les moins emblématiques, Charles-Henri sait tenir les deux ou trois points qu'il juge importants. Sa force est de ne pas se tromper dans ses combats ». Leur jeune confrère Benjamin Cros, qui a travaillé quatre ans à l'agence Tachon avant de cofonder l'agence Cros-Leclercq, en a tiré une leçon : « Il apprend à ses collaborateurs à hiérarchiser, à déterminer ce sur quoi on peut lâcher et ce sur quoi rester intransigeant pour parvenir, au final, à un projet qui conserve sa force. » Charles-Henri Tachon n'en a pas moins l'impression d'avoir à batailler en permanence : « Nous poussons les projets vers ce que nous pensons être le mieux, mais finalement cela n'intéresse que nous. » Alors, il n'est pas de ceux qui rêvent de voir ses enfants - deux garçons, César, 5 ans et Darius, 2 ans - prendre un jour la relève. Ni de ceux qui croient en l'émergence d'un « monde d'après », qui tirerait les leçons de la crise sanitaire et du confinement. « Cependant, peut-être serons-nous mieux entendus quand nous voudrons faire des cuisines en premier jour », glisse-t-il. Il apprécie en tout cas avoir vu, ces dernières années, la maîtrise d'ouvrage rajeunir et devenir plus réceptive aux idées qu'il porte. Et qu'il défend - on l'imagine volontiers - avec la plus grande politesse.

Il n'est pas de ceux qui croient en l'émergence d'un « monde d'après » tirant les leçons du confinement.

Délicat et élégant, Charles-Henri Tachon l'est dans la vie comme dans son architecture. Benjamin Cros retient de lui cette « courtoisie qui autorise, sans doute, à être plus exigeant. Je m'aperçois que c'est une attitude que je cherche à conserver dans ma pratique ». Pour Stéphane Rouault, « cette bienveillance s'impose à lui, elle est une manifestation de sa rigueur intellectuelle ». Mais s'il met un grand soin à penser aux anniversaires, Charles-Henri Tachon est plus oublieux, ou peut-être désintéressé, de ce qui est matériel… « Je suis persuadé qu'un rayon à son nom existe aux objets trouvés », rit son ami Stéphane Rouault.

PHOTO - 21926_1316023_k2_k1_3059157.jpg
PHOTO - 21926_1316023_k2_k1_3059157.jpg - © ALESSANDRO SILVESTRI / LE MONITEUR



July 03, 2020 at 05:07AM
https://ift.tt/3gjQK5o

Charles-Henri Tachon, élégant combattant - Moniteur

https://ift.tt/31ooquk
architecte

Bagikan Berita Ini

0 Response to "Charles-Henri Tachon, élégant combattant - Moniteur"

Post a Comment

Powered by Blogger.